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IMPACT ETHNOGRAPHIQUE DU PROJET POUR LE PEUPLE ASHANINKA

par Dr. Eliane Fernandes Ferreira- Institut d’Anthropologie et de Recherche Culturelle - Université de Brême

Qu’est ce que l'expédition Tsonkiri?
Qu'est-ce que ce projet apportera au peuple Ashaninka?

Prévue en juillet 2015, l'expédition a une importance considérable pour le peuple Ashaninka, non seulement pour la communauté Apiwtxa, située au Brésil sur les rives du Rio Amonia, mais aussi pour les communautés Ashaninka du sol péruvien. Un groupe de huit personnes de la communauté Apiwtxa devrait participer à l’expédition. Parmi eux, le leader et chamane Ashaninka, Benki Piyãko, reconnu dans le monde entier pour son engagement pour les droits de son peuple et pour la protection de la forêt amazonienne ; son père, Antonio Piyãko, l'actuel leader de la communauté Apiwtxa ; sa soeur, Dora Piyãko, présidente de la coopérative de la communauté Apiwtxa et les enseignants, chercheurs et vidéastes formés par le projet “vidéo dans les villages”, Isaac et Wewito Piyãko, qui feront également partie de l'équipe de tournage de l'expédition.

    C’est à travers cette expédition que les membres de la communauté Apiwtxa partiront à la recherche de leurs origines au Pérou, dans le but de préserver et d’approfondir la connaissance de leur propre culture: chants, mythes, légendes, savoirs chamaniques, nouvelles rencontres et connaissances diverses. Ils sont à la recherche d'un renforcement encore plus important de l’identité de leur communauté, de leur territoire, de leur culture et de leur histoire. L'expédition leur permettra de visiter des communautés qu’ils ne connaissent pas encore, de connaitre de nouveaux modes de vie communautaire, de connaître les problèmes auxquels leurs pairs sont confrontés, de rencontrer quelques-uns des plus importants chefs spirituels de leur culture, appelés les Antaviares, ainsi que de visiter les sites sacrés dont ils ont entendu parlé dans leurs mythes, leurs chants et leurs histoires transmis de génération en génération par leurs pères, mères, grands-mères et grands-pères pendant des siècles. Par ailleurs l'expédition contribuera également à la consolidation des alliances entre les communautés Ashaninka et aussi à protéger les terres où ils vivent.        C’est lors de cette expédition que les représentants du peuple Ashaninka du Rio Amonia pourront réfléchir sur les projets culturels et environnementaux déjà entrepris dans leur communauté et observer la situation des autres communautés, leurs difficultés, leurs réussites et leurs stratégies d'adaptation en tant que peuple, les amenant également à connaître de nouveaux projets.

 

    Elle les aidera à affirmer leur identité culturelle, leur communauté, leurs projets de vie et leur territoire, contribuant pour que les générations actuelles puissent encore planifier l'avenir de leurs fils et filles.
    La question de la spiritualité Ashaninka est également un facteur clé dans cette expédition. C’est grâce à ce projet que le chef Ashaninka et chaman Benki Piyãko dans son processus d'approfondissement chamanique, pourra rencontrer les trois derniers Antaviares, les plus importants chefs spirituels du peuple Ashaninka, reconnus pour détenir le plus haut niveau de connaissance spirituelle de leur peuple. De telles connaissances chamaniques sont menacées en raison du développement culturel et économique des différentes communautés, qui sont de plus en plus entourées et influencées par une société majoritairement non-indigène.
   

    Il est important de mentionner que lors de l'expédition Tsonkiri chaque participant aura un rôle et une expérience différente selon leur fonction dans la communauté Apiwtxa.    Pour Benki Piyãko par exemple, l'expédition a une valeur historique et une grande importance vis à vis des questions liées à l'environnement socio-politique. Un autre aspect important pour Benki Piyãko est de rencontrer les derniers Antaviares du peuple Ashaninka, afin de sauver la connaissance spirituelle de son peuple, qui peut disparaître à tout moment, en raison du petit nombre d'Antaviares encore en vie.    Dans l'optique de devenir lui même un Antaviare, Benki Piyãko est à la recherche d'un approfondissement spirituel pour atteindre ce niveau et la sagesse chamanique nécessaire. Pour le chef actuel de la communauté Apiwtxa, Antonio Piyãko, cette expédition lui permettra d'avoir l'occasion à son tour de rencontrer les dirigeants des communautés Ashaninka du Pérou, pour analyser la situation de ces derniers et de les comparer avec sa propre communauté. La présidente de la coopérative Ashaninka du Rio Amonia, Dora Piyãko, aura, par exemple, l'occasion d'interagir avec les femmes des communautés péruviennes sur l'échange de connaissances et d'expériences liées à la richesse de l'artisanat et de la culture Ashaninka.

 

    Dans sa communauté, Dora est reconnue pour la qualité de son artisanat et pour sa capacité en tant qu'ambassadrice de la culture Ashaninka qui se reflète à travers l'artisanat et le travail manuel de la communauté Apiwtxa. Les professeurs, chercheurs et vidéastes Isaac et Wewito Piyãko pourront documenter à travers la vidéo et l'écriture tout ce qu'ils pourront observer lors de l'expédition, afin d'approfondir les recherches déjà effectuées par eux sur la culture Ashaninka.

    L'Expédition Tsonkiri est un projet qui contribuera à la durabilité et au renforcement de la culture Ashaninka et de ses territoires pour le propre peuple Ashaninka, documentant une culture qui lutte pour sa survie et la protection de l'environnement, dont nous dépendons tous.
    Nous, non-autochtones, serons aux côtés des Ashaninka du Rio Amonia soutenant ce voyage si important dans un processus dé-colonisateur et visionnaire ayant un impact majeur pour la société en général.
 

    Le projet permettra également une visite de certains des sites les plus sacrés du peuple Ashaninka au Pérou, certains d'entre eux se trouvant sous la menace de projets gouvernementaux, ce qui signifie beaucoup pour le peuple Ashaninka du Rio Amonia et pour le peuple Ashaninka en général. Ces visites des terres sacrées donneront à travers la documentation postérieure visuelle et écrite de l'expédition, de la visibilité à l'importance de protéger ces lieux, très menacés par de nombreux projets de développement et qui portent en eux la continuation d'une culture et l’histoire d’un peuple.

 

Parmi les sites sacrés situés sur la route de l'expédition se trouvent les collines du Cerro de la Sal1 et le canyon sacré Pakitzapango (Maison de l'Aigle), l'un des sites les plus sacrés du peuple Ashaninka, aujourd’hui menacé par le projet de construction de la centrale hydroélectrique Pakitzapango par les gouvernements péruviens et brésiliens. Grâce aux protestations du peuple Ashaninka de la vallée du fleuve Ene et de la Centrale Ashaninka du Rio Ene (CARE) ce projet pourrait prochainement être interrompu. Pour les Ashaninka la vallée sacrée de Pakitzapango est reconnue comme le lieu d'origine de leur peuple et de leur culture.    Sur le parcours de l'expédition se trouve également la province de Satipo, qui contient des sites sacrés tels que la cascade de la Vallée Sacrée à San Martin de Pangoa. Dans les années 80, jusqu’au début des années 90, Satipo a été partiellement contrôlé par des membres du Sentier lumineux, ce qui a grandement porté prejudice et affaibli plusieurs communautés Ashaninka au Pérou.        Au delà de la question spirituelle, les visites des communautés et de leurs lieux sacrés, permettront à l'expédition de contribuer à la réflexion sur l'importance de protéger l'environnement, un facteur essentiel pour les communautés autochtones et qui est fortement interconnecté avec la vision Ashaninka, permettant l'équilibre entre homme et l'environnement dont il dépend et avec lequel il interagit, un aspect encore généralement ignoré par la société non autochtone.    Tout au long de la route de l'expédition nous pourrons observer et réfléchir sur la situation et l'état de conservation de tous les lieux visités, y compris les lieux sacrés.

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